Qu’est-ce qui vous a inspirée à raconter l’histoire de Sally Bauer, et comment avez-vous abordé cette adaptation au cinéma ?
J’ai découvert Sally Bauer il y a huit ans, en lisant Happy Sally de Sara Stridsberg. J’ai été sidérée de ne jamais avoir entendu parler d’elle, alors que je suis suédoise. Son histoire est incroyable. Sally n’était pas seulement une nageuse hors pair – elle faisait preuve d’un courage impressionnant, en mer comme dans sa vie, en tant que mère célibataire qui osait poursuivre un rêve jugé “impossible” dans les années 30.
Je voulais raconter son parcours, mais pas sous forme de biopic classique. Ce qui m’intéresse en tant que réalisatrice, c’est d’apporter un point de vue, une voix. Pour garder cette liberté artistique, j’ai pris un peu de distance avec la figure réelle de Sally.
Je tenais aussi à faire un film qui parle à notre époque, pas juste une reconstitution.
Le film aborde des thèmes féminins forts, notamment autour de la maternité. Comment cela s’est-il intégré au récit ?
Ce qui m’a émue chez Sally, c’est qu’elle était mère. La maternité est au cœur du film. Il parle de culpabilité, de courage, de détermination. D’une femme qui refuse de se plier aux rôles qu’on attend d’elle.
Encore aujourd’hui, concilier ambition et maternité reste compliqué. Dès que je suis devenue mère, on a commencé à me questionner sur mes choix. C’est une pression très réelle.
Dans le film, la famille de Sally lui reproche de poursuivre son rêve « au détriment » de son fils. Je voulais que le public doute parfois d’elle, la trouve égoïste, puis comprenne peu à peu la nécessité de ses choix.
On oublie souvent les femmes en avance sur leur temps. Ce film leur rend hommage, et interroge la place qu’on accorde encore aux femmes dans nos récits.
Quels ont été les plus grands défis de mise en scène, notamment pour la traversée de la Manche ?
Tourner en mer a été de loin le plus difficile. L’océan est imprévisible, la météo aussi. Il fallait revoir chaque jour le planning selon le vent, les vagues, le ciel.
Mais je tenais à tourner en conditions réelles, pour que Josefin Neldén ressente réellement le froid, le vent, l’eau salée… Toute l’équipe, surtout elle, a travaillé dans des conditions extrêmes. C’était dur, physiquement et mentalement. Mais ce qu’on voit à l’écran – cette fatigue, cette force – est authentique.
En plus de la mer, il fallait bien sûr recréer la Suède de 1939, les costumes, les décors… mais le vrai défi, c’était la nature.
Comment avez-vous trouvé votre Sally ? Et comment s’est passée votre collaboration avec Josefin Neldén ?
On a auditionné une cinquantaine d’actrices. Mais dès le début, je pensais à Josefin car je savais qu’elle portait en elle cette dualité : la force et la vulnérabilité. Sa première audition a confirmé ce pressentiment.
On s’est lancées dans une longue phase de recherche. Je lui ai tout partagé, même un livre rare de 1939 que j’ai déniché dans une bibliothèque régionale, avec les pensées personnelles de Sally.
J’ai aussi contacté très tôt son fils, Carl-Axel Bauer. Il a lu toutes les versions du scénario et nous a soutenus jusqu’au tournage.
Josefin a pu aller au-delà de la figure publique de Sally. Je l’ai encouragée à plonger dans ses motivations, ses dilemmes : entre son enfant et son rêve. Ensemble, on a voulu montrer une femme vivante – pas une légende figée, mais une personne réelle, imparfaite, courageuse, profondément humaine.
