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Comment vous est venue l’idée de Tout ira bien ?
En 2020 à Hong Kong, j’ai assisté à une conférence sur les droits de succession pour les couples homosexuels. Le conférencier a cité quelques exemples, très similaires à l’intrigue de Tout ira bien. J’ai pensé que c’était une idée de film très intéressante et j’ai donc interrogé plusieurs personnes qui avaient vécu cela.
En discutant avec elles, j’ai réalisé que je devais vraiment écrire une histoire à ce sujet. D’abord, pour aborder les droits de la communauté LGBTQ à Hong Kong, mais aussi pour questionner ce que signifie la famille à notre époque.
Dans quelle mesure le scénario est-il basé sur des histoires réelles ?
Je pense que l’ensemble de l’histoire est conforme à la réalité. Mais pour beaucoup de personnes parmi celles que j’ai interrogées, les membres de la famille ont procédé à un changement très rapide.
Les exemples réels sont d’une grande cruauté, mais je ne voulais pas dépeindre cela dans le film, car il ne fallait pas que le public perçoive immédiatement les membres de la famille comme des « méchants ». Je voulais que l’on soit aussi en empathie avec eux, que le public s’interroge sur lui-même et sur son degré d’homophobie. Si c’était eux, que feraient-ils ?
Ce n’est pas la première fois que vous racontez l’histoire d’un couple homosexuel à l’écran. Dans Tout ira bien, c’est aussi celle d’un couple plus âgé. Pensez-vous qu’il est important de présenter ces histoires à l’écran ?
Au cinéma, on a l’habitude de suivre des personnages entre l’adolescence et 35 ans. A mon avis, on ne change pas tellement une fois atteint un certain âge. Nous avons toujours les mêmes désirs et les mêmes besoins. Je pense que le cinéma devrait refléter aussi cette réalité.
Avec Tout ira bien, je n’avais pas nécessairement l’intention de faire un film sur un couple âgé, mais j’avais besoin d’un couple ensemble depuis longtemps, pour que l’histoire ait plus de force émotionnelle.
La ville de Hong Kong a une place très importante dans le film, tant sur le plan visuel que thématique. C’était important pour vous ?
Il y a deux problématiques majeures à Hong Kong. La première est le manque d’espace de vie. Tout le monde est coincé dans un appartement très petit et généralement très cher. L’appartement spacieux de Angie est donc extrêmement attrayant pour les membres de la famille de Pat.
Par ailleurs, même si Hong Kong peut sembler très moderne en apparence, elle est encore très imprégnée de croyances chinoises traditionnelles. Les coutumes traditionnelles chinoises sont assez homophobes et totalement fondées sur un modèle de société patriarcale, l’homme jouant toujours le rôle le plus important dans les rituels et cérémonies. Et je pense que le film met cela en évidence.
À bien des égards, le film est étroitement lié à la culture hongkongaise. Comment pensez-vous qu’un public international puisse s’y retrouver ?
Dans de nombreux pays, la situation est assez similaire, non seulement au niveau financier, mais aussi pour ce qui concerne la propriété et l’héritage. Lorsque votre partenaire est là, vous avez une famille élargie, mais le jour où il disparaît, vous n’êtes plus qu’un ami, voire une simple connaissance, et vous êtes mis à la porte. Je pense que tout le monde peut s’identifier à cette histoire, au chagrin de perdre quelqu’un qui vous est très cher en même temps que votre monde change radicalement, du jour au lendemain.
Quelles sont vos sources d’inspiration stylistiques ? Les réalisateurs qui vous inspirent ?
L’une de mes plus grandes inspirations est le réalisateur japonais Yasujirō Ozu. Lorsque vous regardez un film d’Ozu, c’est tout aussi captivant que le cinéma de divertissement hollywoodien, si ce n’est plus, parce que les informations ne vous sont pas servies sur un plateau. Vous devez absorber le film. Les éléments sont disséminés ça et là si vous êtes attentif, et vous pouvez faire appel à votre imagination pour combler les trous. Je trouve cette approche très inspirante et j’ai voulu réaliser Twilight’s Kiss et Tout ira bien dans ce style.
Un autre réalisateur que j’admire beaucoup est Ang Lee. Je me souviens avoir vu The Wedding Banquet quand j’étais jeune. Ce film m’a fait réaliser que le public était sensible aux histoires portant sur les minorités ethniques et sexuelles. Je me suis dit que si le public était réceptif à ce genre d’histoires, il le serait aussi à ce que je voulais raconter. J’ai alors pensé que je pourrais peut-être devenir réalisateur.
L’accueil a été très positif lors de la projection à Berlin. Qu’espérez-vous que le public retienne du film ?
Je pense que les gens doivent prendre conscience du fait que l’on peut prendre soin de ses proches de multiples façons. La rédaction d’un testament en fait partie, même lorsque l’on est protégés par le cadre du mariage. Je sais que beaucoup de gens sont effrayés à l’idée de rédiger leur testament, car c’est faire face à sa propre mort, mais c’est très important. Vous pouvez aussi le voir d’une manière plus romantique, comme une lettre d’amour à vos proches, une manière de leur faire savoir que vous avez toujours leurs meilleurs intérêts à cœur.