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Lili et Simon s’aiment, mais n’habitent pas ensemble. Abel, l’enfant de cet amour, vit entre deux maisons. Un jour, les accidents de l’existence remettent en question leur mode de vie…
Peut-on s’aimer sans vivre ensemble ? Question simple, réponse compliquée.
Comment sont nés Lili, Simon et leur mode de vie peu ordinaire ?
Sans doute du croisement de deux de mes obsessions qui parcourent mes romans : l’amour et l’espace !
La remise en question de nos modes d’habitation est dans l’air du temps, mais il n’empêche, des couples comme Lili et Simon, qui font « maison à part », il n’y en a pas encore beaucoup, surtout quand ils ont des enfants.
Qu’est-ce qui fait que l’on continue à s’accrocher à cette façon de vivre tout en se plaignant de la routine de nos vies, du désir qui s’émousse parce qu’il est englué dans les tâches ménagères ? La persistance de ce modèle, dans notre société qui a pourtant envoyé balader beaucoup de principes, me questionne beaucoup.
Vous n’abordez pas pour autant ce sujet de manière sociologique.
Ce qui m’importe avant tout quand je raconte une histoire, au-delà de son sujet, c’est sa résonance. Celle de Lili et Simon, je voulais qu’elle résonne avec simplicité et légèreté, qu’elle soit portée par l’énergie et la joie d’être amoureux dans un quotidien pas fatalement promis à l’ennui et aux mesquineries. Lili et Simon ne croient pas au bonheur d’habiter ensemble, mais ils croient au bonheur de vivre ensemble, de rendre romantiques des choses très simples.
Leur choix n’est pas égoïste ou matérialiste. Il témoigne avant tout de leur foi dans la poésie du quotidien, pas d’un instinct de propriété ou de « préoccupations de riches ». Riches d’ailleurs, ils ne le sont pas, et je tenais à ce que la grandeur ou l’esthétique de leurs appartements respectifs ne donne à aucun moment des raisons de le penser. Il était primordial pour moi de montrer que leur seul luxe est de s’être donné les moyens de se questionner sur d’autres modes de vie possibles.
Double foyer circule avec naturel et simplicité entre le drame et la comédie.
Le quotidien devient précieux et romanesque quand on capte son impermanence, quand on ne perd pas de vue que tout peut arriver, aussi bien le grave que le joyeux la seconde d’après. L’enjeu du quotidien – ce qui le distingue de la routine – est de nous rendre suffisamment présents pour pouvoir accueillir cette circulation des émotions. C’était très important pour moi de faire coexister ces humeurs qui, pour moi, restituent l’essence de la vie, jamais figée dans une tonalité.
Pour tenter d’être à cet endroit de résonance du quotidien, ma principale indication à Émilie et Max était : « Vous vous aimez, mais vous savez aussi que tout est fragile, la vie comme l’amour ».
Les chansons écrites par Guillaume Aldebert étaient-elles déjà présentes à l’écriture ? Pourquoi le choix de cet artiste ?
J’ai eu très tôt le désir de mettre des chansons dans le film. Non pour s’échapper du réel ou le réenchanter, mais au contraire ancrer les personnages dans ce qu’ils écoutent au quotidien. Mais c’est ma rencontre avec Guillaume Aldebert qui nous a donné envie, à tous les deux, d’en inclure plus qu’initialement prévu. Et de les faire chanter par les acteurs eux-mêmes, avec des paroles liées directement à ce qu’ils vivent. J’aime beaucoup le travail de Guillaume, sa façon d’entremêler la joie et la mélancolie de manière très poétique. Avec un rapport à l’enfance qui me touche beaucoup.
Comment avez-vous pensé votre mise en scène, qui comporte peu de champs-contrechamps ?
Si je devais résumer Lili et Simon, je dirais que c’est un couple qui a su créer l’espace de se regarder, même après toutes ces années. C’est en partie ça qui explique qu’ils se désirent encore. Et c’est donc ça qu’il m’importait avant tout de capter : non pas filmer ce qu’ils regardent, mais le fait qu’ils se regardent. Et que l’énergie circule entre eux, et dans leur espace de vie, car le rapport aux lieux est quand même aussi le sujet du film ! Je voulais que la sensualité du film s’exprime dans la manière dont les corps habitent l’espace, s’enlacent… Et dans la lumière, joyeuse, colorée, jouant des contrastes.
Comment avez-vous pensé à Émilie Dequenne et Max Boublil pour jouer Lili et Simon ?
Émilie Dequenne est pour moi l’une des plus grandes actrices francophones. Elle a cette grâce de pouvoir incarner une quotidienneté tout en étant d’une séduction folle. Elle s’est glissée dans la peau de Lili avec un naturel miraculeux. C’est aussi le couple qu’elle forme avec Max qui a été pour moi miraculeux.
J’avais remarqué Max dans un film où il tenait un petit rôle qui m’a suffi à me dire : ce comédien a le talent de rendre la gentillesse cinégénique. Ce qui correspond exactement à ce que je cherche à raconter : des personnages qui n’ont pas besoin d’être « méchants » ou tordus pour être intéressants à regarder vivre. Je ne connaissais pas ses one-man-show ni ses chansons, mais le fait qu’on vienne d’horizons différents a créé, je crois, de la curiosité l’un envers l’autre et ensuite une entente très vivifiante.
C’était crucial qu’on puisse croire instantanément à leur couple, à leur complicité, à leur amour. Quand Émilie et Max se sont retrouvés face à la caméra lors des essais, j’ai immédiatement senti circuler entre eux l’énergie capable de transformer le quotidien en terrain de jeu et de sensualité.
Pourquoi Toulouse comme lieu de tournage ?
Il me semble qu’en province, mon histoire devenait tout de suite plus universelle qu’à Paris. Et à Toulouse, j’aimais le soleil, la lumière, les fameuses façades roses, la gentillesse et la simplicité des gens. Tout cela correspondait parfaitement à l’esprit que je recherchais. En outre, c’est une ville qui a été étonnamment peu filmée.
Je suis très reconnaissante envers les personnes qui nous ont permis de tourner dans leurs lieux. Triste et émouvante coïncidence, depuis le tournage, les occupants du garage de Simon et de l’appartement de Lili ont, chacun pour des raisons différentes, dû quitter ces endroits où ils aimaient vivre. Mon film se fait donc la mémoire de ces deux espaces. Tout est donc bel et bien mouvant et impermanent, dans le quotidien de nos vies…
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