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Perdu dans la foule de Tokyo, un homme a rendez-vous avec Mahiro, sa fille de douze ans qu’il n’a pas vue depuis des années. La rencontre est d’abord froide, mais ils promettent de se retrouver. Ce que Mahiro ne sait pas, c’est que son “père” est en réalité un acteur de la société Family Romance, engagé par sa mère.
Il règne dans Family Romance LLC une atmosphère très paisible, comme si les battements du coeur de ce film étaient calmes et réguliers. Ainsi le vertige qui opère au fur et à mesure du récit est-il d’autant plus puissant…
Oui, la tempête intérieure du film n’est pas perceptible en surface. Le réel, la vérité et la fiction sont entremêlés. Il y a bel et bien un orage au coeur du film, mais en apparence, la mer est calme.
Les toutes premières secondes du film pourraient s’apparenter à un conte de fées, avec les notes introductives de Schubert et les plans d’ensemble surplombant les cerisiers en fleurs…
Ajoutez à cela que le titre contient le mot « romance »… Bien que le Notturno de Schubert apporte une touche romantique au prélude, Family Romance n’a rien d’une romance et n’est en rien relié au mouvement romantique que l’on peut trouver en littérature, en peinture ou en musique. Ce film affronte le réel et nous regarde droit dans les yeux.
D’un point de vue formel, Family Romance est l’un de vos films les plus dépouillés, ce qui rend sa portée philosophique et métaphysique très puissante…
À mes yeux, Family Romance est un film cousin de Land of Silence and Darkness (1971). C’est, pour moi, l’un des deux ou trois films les plus profonds que j’ai réalisés. Il ne se faut pas se fier à son apparence : elle est trompeuse.
D’un point de vue occidental, cette histoire s’apparente à de la science-fiction ! Comment avez-vous découvert ce phénomène d’« amis à louer » au Japon ?
Cela ressemble à de la science-fiction, mais il s’agit pourtant bien de notre réalité à nous aussi. Lorsque nous engageons une baby-sitter, par exemple, ou lorsque nous nous attachons émotionnellement à des créatures inanimées comme une poupée ou un ours en peluche, cela participe du même phénomène. Ce n’est donc pas totalement de la science-fiction. Et l’on peut sentir que ce phénomène vient à nous à vive allure ; il est loin d’être le strict apanage du Japon. Ce principe nous renvoie à nos vies performatives, aux rôles que nous jouons dans la société, aux mensonges que nous nous racontons ; tout cela est déjà en place sous nos latitudes. J’ai découvert le phénomène des « amis à louer » par le biais d’un article publié dans le magazine américain The Atlantic, que m’a fait parvenir le producteur Roc Morin. Roc était un ancien élève de mon école, la Rogue Film School. J’ai toujours eu le sentiment que c’était un réalisateur intéressant et un auteur très doué. De temps à autre, il venait me montrer des séquences qu’il avait tournées, comme celle qu’il a réalisée dans un stade en Corée du Nord et que j’ai incorporée à mon film sur les volcans, Into the Inferno (2016). Il m’a donc envoyé cet article qui traitait de l’entreprise intitulée « Family Romance » au Japon. C’est pourquoi j’ai ajouté les lettres « LLC » (Limited Liability Company) au titre pour que l’on comprenne qu’il s’agit bien d’un business. J’étais si saisi par cet article que j’ai immédiatement suggéré à Roc d’en faire un film. Il était hésitant, pas très enclin à se lancer dans ce projet. Pour ma part, j’avais l’intime conviction qu’il y avait là matière à réaliser un film, je lui ai donc demandé la permission de le tourner moi-même. Nous sommes ainsi convenus que j’écrirais le scénario et signerais la réalisation, tandis qu’il produirait ce film.
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