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Le jeune Peyangki vit et étudie dans un monastère traditionnel au Bhoutan. Au pays du bonheur, l’arrivée récente d’internet entraîne d’importants bouleversements. Les rituels quotidiens des moines entrent en concurrence frontale avec la nouvelle addiction aux smartphones. Peyangki se passionne pour les chansons d’amour et tombe amoureux sur WeChat d’une jeune chanteuse.
Succombera-t-il à la romance et aux tentations de la ville ou restera-t-il au monastère ?
Il y a quelques années, vous aviez déjà évoqué l’impact des nouvelles technologies sur la population bhoutanaise dans Happiness, que l’on serait presque tenté de voir comme un avantpropos de Sing Me a Song…
Oui, ce désir de travailler sur l’impact des écrans dans nos sociétés date d’il y a une quinzaine d’années. Il correspond à la naissance de mon premier enfant, et à l’arrivée des premiers smartphones.
Après avoir hésité à faire un film aux Etats-Unis, où la consommation d’écran est massive, j’ai finalement trouvé plus intéressant de m’immerger dans une communauté où les écrans étaient encore absents et de suivre les effets de leur arrivée. Mon choix s’est alors porté sur le Bhoutan. Jusqu’en 1998, le Roi avait interdit la télévision et internet, et il y avait, à l’époque, des villages qui vivaient sans électricité, et qui attendaient avec impatience son arrivée. C’est d’ailleurs ce que l’on découvre dans mon précédent film Happiness : l’arrivée de la route jusqu’au monastère puis la découverte de la télévision.
J’ai d’abord fait le tour du pays et j’ai découvert ce village, Laya, à 4000 mètres d’altitude, et à trois jours de marche de la première route. Un village sans électricité, ni aucun lien avec le reste du monde. J’y ai rencontré un enfant avec une énergie particulière qui courait partout. C’était Peyangki. Lors de mes premiers entretiens avec lui, que j’ai filmés, il m’a fait penser à Jean-Pierre Léaud dans le casting de Truffaut pour Les quatre cents coups. Un mélange de grande gaieté et de grande tristesse. Nous avons tissé une relation de confiance. Il était un des seuls habitants à n’avoir jamais quitté le village. L’idée de pouvoir assister à ses premières confrontations avec cette modernité et de les filmer est la raison première de mon désir de faire ce film.
Avec Sing Me a Song, on assiste donc à vos retrouvailles avec Peyangki. Comment a évolué votre relation depuis le premier film ?
Les Bhoutanais ne sont pas très démonstratifs. Avec Peyangki, il n’y a d’ailleurs pas eu d’effusions. En revanche il y avait une vraie confiance de sa part dans mon projet et dans notre relation. Ce qui nous a permis de faire ce film dans une sincérité réciproque. Il a su faire abstraction de ma présence, ce qui n’aurait pas été le cas si nous n’avions pas déjà passé trois ans ensemble, au moment de Happiness.
Le tournage s’est fait par fragments. Il y a eu cinq ou six tournages de trois semaines chacun en l’espace de trois ans. Comme dans Happiness, vous montrez la manière dont fonctionnent les monastères bouddhistes. On est très loin de leurs équivalents du monde occidental…
Comme dans Happiness, vous montrez la manière dont fonctionnent les monastères bouddhistes. On est très loin de leurs équivalents du monde occidental…
C’est plutôt Françoise Pommaret, la grande ethnologue spécialiste du Bhoutan, qui pourrait vous renseigner. Moi, je n’ai pas fait ce film pour « montrer » le fonctionnement des monastères bouddhistes. Ce qui m’intéresse, c’est la confrontation entre la technologie la plus moderne et un des lieux les plus épargnés sur terre. Y a-t-il eu des contraintes spécifiques à filmer dans certains lieux et notamment ces monastères que l’on pourrait dire du « bout du monde » ? Le Bhoutan est un pays difficile d’accès. Il n’y a pas de vol direct et c’est cher. Y faire du tourisme est hors de prix, ce qui est une manière de sélectionner les touristes. Lorsque j’ai tourné Happiness, il fallait une journée de voiture puis deux jours de marche pour atteindre le monastère. Pour Sing Me a Song, douze heures de voiture suffisaient pour atteindre directement le monastère depuis la capitale. Ce qui est déjà une différence significative entre les deux films, la preuve tangible d’un changement d’époque.
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