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Fernando Solanas voyage caméra aux poings à travers sept provinces argentines à la rencontre des populations locales, d’agriculteurs et de chercheurs qui nous racontent les conséquences sociales et environnementales du modèle agricole argentin : agriculture transgénique et utilisation intensive des agrotoxiques (glyphosate, épandages, fumigations) ont provoqué l’exode rural, la déforestation, la destruction des sols mais aussi la multiplication des cas de cancers et de malformations à la naissance. Le récit de Fernando Solanas évoque aussi l’alternative d’une agriculture écologique et démontre qu’il est possible de produire de manière saine et rentable des aliments pour tous, sans pesticides, pour reconquérir et préserver nos milieux naturels.
Le Grain et l’ivraie s’inscrit dans une série documentaire que vous avez commencée à réaliser dans les années 2000 sur la crise en Argentine. Comment le thème du modèle agricole argentin et ses conséquences sur l’écologie et la santé humaine s’est-il imposé pour ce dernier volet ?
Nous avons décidé de faire ce film il y a plusieurs années quand nous nous sommes aperçus de la désinformation et des conséquences dramatiques sur la santé de la population dues à l’épandage massif de glyphosate et des pesticides en général en Argentine. Le sujet était grave mais nous n’avions pas réussi à trouver de financement ni en Argentine, ni en Europe: coproduire ce film n’intéressait personne. L’agro-industrie avait beaucoup investi en publicité pour faire la promotion de son modèle de production avec des semences transgéniques et empoisonnées. C’est une des raisons pour lesquelles on ignore tout des dégâts causés sur la santé, sur les sols et la nature en général. Depuis 2013, je préside la commission du développement durable au Sénat argentin, où arrivent de très nombreuses plaintes à ce sujet. Et depuis, nous avons voyagé dans toutes les régions affectées par ce problème pour mieux connaître et évaluer la situation.
Le film s’est-il construit ou a-t-il évolué au gré de vos rencontres ?
Tous mes films sont un travail de recherche avec un objectif précis, mais ils se construisent au fur et à mesure : ici tout s’est d’abord fait lors des repérages, des prises de contact avec les victimes, les agriculteurs, les professionnels, c’est à dire avec les personnages du film. Ce n’est que plus tard que nous sommes revenus les voir pour tourner. Tout ce processus enrichit et modifie le film en permanence.
Vous n’avez cessé de dénoncer la corruption à travers vos films. Le fait d’être sénateur vous donne-t-il plus de liberté ou est-ce une contrainte pour réaliser un film comme celui-ci ?
Bien entendu, le fait d’être sénateur a facilité un certain nombre de démarches auprès de nos contacts et avec l’ensemble des lieux publics. Mais cela a aussi freiné notre enquête, notamment dans les campagnes ou auprès des industriels parce que peu souhaitent voir ces pratiques mises en lumière : ils craignent particulièrement d’être dénoncés ou critiqués.
Votre activité de cinéaste et documentariste vous aide-t-elle à être un homme politique mieux en prise avec le réel ?
Vous avez raison, le travail du cinéaste documentaire est de rendre visible une réalité à laquelle nous n’avons pas accès et contribue à donner un point de vue politique juste et complet d’une situation.
Pourquoi les hommes politiques et les multinationales sont les grands absents du film ?
La proposition du film était de donner une voix à ceux qui n’en n’ont pas dans les médias. Notre cinéma ne consiste pas à démontrer ce qui est “objectif”, mais à donner de l’espace et de la visibilité aux victimes comme à leurs assassins. Depuis mon premier film L’Heure des brasiers, nous avons pris le parti de défendre les marginaux, ceux qui se font exploiter, ceux qui ont été agressés, ceux que l’on entend jamais. La voix de ceux qui ont le pouvoir, de ceux qui jouent avec la santé de la population, nous l’entendons tous les jours à la télévision ou dans les journaux. Mes films documentaires ne sont pas vus à la télévision en Argentine, ni dans les multiplexes commerciaux de mon pays, et sortent uniquement dans les salles indépendantes de l’Institut du Cinéma (INCAA). La majeure partie de leur diffusion a lieu dans des circuits culturels ou institutionnels : ils sont montrés dans les écoles, les universités, les syndicats et les ONG.
Pourquoi est-il essentiel d’évoquer dans le film le sort des populations indigènes ?
Depuis des siècles les peuples autochtones souffrent de tous les types d’injustice et la plus grave d’entre elles est la dépossession de leurs terres. Les indigènes sont les meilleurs gardiens de nos forêts parce qu’ils y habitent et y trouvent leur nourriture. Leurs terres sont vendues et on les expulse. Ils sont les victimes d’un génocide silencieux.
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