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Documentaire
Film
Istanbul dans un futur proche : Kadir purge une peine de 20 ans de prison et se voit proposer une libération anticipée. En échange, il s’engage à aider la police dans la traque contre le terrorisme et accepte d’être leur informateur. Une fois dehors, il reprend contact avec son petit frère Ahmet, chargé par la mairie d’abattre les chiens errants de la ville.
Mais entre chaos politique et obsession paranoïaque, la violence qui entoure les deux frères et la pression de leurs autorités les entraînent dans une spirale infernale.
ÉPOQUE ET LIEU
Je ne précise pas à quelle époque se situe ABLUKA. Quand j’essaie de faire quelque chose à portée politique, je ne veux pas être contraint par une période particulière. Cela pourrait être un présent fictionnel ou un passé ou un futur… L’histoire m’apparaît universelle et pourrait avoir lieu n’importe où. Les problèmes sont les mêmes. Il y a une guerre civile à l’arrière-plan et les enjeux individuels de la relation de deux frères. C’est ça qui est important.
En spécifiant le lieu ou la période temporelle, particulièrement en Turquie, les gens demanderaient probablement une représentation réaliste – ce qui ne m’intéresse pas. C’est une situation générale, universelle : comment une atmosphère de guerre civile rend les gens fous.
Comme dans mon premier film, l’histoire repose sur le même principe. Dans DERRIÈRE LA COLLINE (2012), l’action se déroulait à la campagne, mais on ne savait pas si cela se passait dans le passé ou dans le futur.
Mes sources d’inspiration pour ABLUKA viennent de nombreuses histoires violentes du monde moderne. Ce film a mis longtemps pour être réalisé. J’ai commencé à y penser au début des années 2000 et sa première version fut écrite à la fin de la décennie 2000. Malgré le temps écoulé, la pertinence de l’histoire croissait, tandis que les politiques butaient obstinément sur des méthodes archaïques. Lorsque j’ai d’abord réfléchi à l’histoire au début des années 2000, «l’organisation» contre laquelle l’État fait la guerre dans le film était inspirée des mouvements de guérillas marxistes et séparatistes ethniques qui étaient actifs d’Amérique Latine jusqu’en Asie durant le 20ème siècle. Alors que nous entrions dans le 21ème siècle, d’abord l’attaque du 11 septembre, puis l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak, ont créé un nouveau contexte mondial dans lequel repenser les trajectoires et les auteurs de violences politiques. Et durant les dernières années, la vague de soulèvements et de révolutions, qui ne se limitent pas au Printemps arabe, ont encore plus justifié la critique de la violence qu’on trouve dans mon film. Encore une fois dans l’histoire de l’humanité, se pose une question urgente pour nous tous : comment faire face à la violence politique ?
CHAOS POLITIQUE
Dans ABLUKA l’action se déroule dans une ville en plein chaos politique. L’État se bat désespérément contre les terroristes cachés dans des bidonvilles. Quand les techniques d’isolement de ces quartiers ne donnent rien, l’État invente de nouvelles méthodes. ABLUKA est l’histoire de deux frères qui essaient de survivre dans l’un de ces quartiers. Il raconte comment le système politique implique les «petites gens» dans son dispositif d’intervention brutal, en leur donnant de l’autorité et les instruments de la violence, qui, finalement, se retourne contre eux-mêmes et les mènent à la destruction.
ISOLEMENT GÉOGRAPHIQUE ET PSYCHOLOGIQUE
Le quartier où vivent les deux frères est doublement isolé : géographiquement, puisqu’il est bloqué par la police, et par la paranoïa dans laquelle sombre les personnages. Personne ne sait qui est ou qui pourrait être l’ennemi. Ils sont complètement isolés d’un point de vue psychologique. Cette paranoïa rend floues les frontières entre le rêve et la réalité. Je voulais jouer avec ça parce que ça nous aide à partager leur ressenti et à vivre crescendo cette paranoïa de l’intérieur. Isoler de cette manière les personnages, permet de tendre à la métaphore.
SUIVRE LES ORDRES
Dans ABLUKA, j’observe ces «petites gens» à la fois instruments et victimes de la violence du système. Kadir est un informateur qui a le pouvoir de mettre un terme à la vie de quelqu’un par le renseignement. Ahmet est un exterminateur de chiens errants, une métaphore et une image parallèle du chasseur de terroristes. Que leurs méthodes violentes soient tournées vers les chiens errants ou les terroristes, ces hommes suivent les ordres. Ils sont indifférents aux effets de leurs instruments. Pourtant, ils ne peuvent pas échapper aux effets suffocants de l’atmosphère politique. La violence qui les entoure et la pression de leurs autorités les poussent de plus en plus à la paranoïa. L’issue de leur paranoïa est mortelle à cause des armes qu’ils possèdent.
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